+++ 22 ans… Et déjà cette maturité d’écriture qui solarise cette jeunesse incandescente. 22 ans… Et voici un répertoire qui s’écoute sous l’arc divin de l’oxymore : « Soleil noir » ; « Une envie méchante » ; « Un peu de mélancolie heureuse ». 22 ans… C’est ainsi qu’il se présente avec ses rêves et ses espoirs qui forment la jeunesse, ainsi que ses doutes qui poussent aux vertiges du grand huit. 22 ans… Et pourtant déjà auto proclamé ramasseur de souvenirs, ce qui signifie plus précisément expert en observation, disciple de l’infra ordinaire, qui selon Georges Perec consiste à questionner et scruter l’habituel. Mais mis à part ses 22 ans, qui est donc Tim Dup, outre sa voix douce écorchée et son regard bleu délavé qui semble vouloir vous avaler ? Un jeune garçon originaire de la très grande banlieue, ville oubliée du futur grand Paris. Rambouillet : sa forêt, son château et surtout son TER centre. Tim Dup (Timothée Duperray pour l’état civil), y a puisé son inspiration. Il en a fait cette grandissime chanson qui met la barre très haut. « T.E.R centre » ou le spleen baudelairien appliqué à la vie moderne 2.0. C’est ainsi que Tim Dup auteur de sa génération exprime sa vérité. Perec, encore lui, écrivait : « Nous dormons notre vie d’un sommeil sans rêves. Mais où est-elle, notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ? ». Ce sont ces mêmes questions qui traversent l’oeuvre en plein jaillissement de cet auteur compositeur interprète qui a encore du mal à se revendiquer chanteur : « J’ai du mal à dire que je suis chanteur… Je suis musicien. Parce que j’aime la musique et parce que je fais de la musique dans sa palette la plus large. Pianiste, producteur, auteur compositeur interprète. Avec cette envie urgente de partager la langue des émotions. ». Tout a commencé en famille, avec des parents investis de cette même philosophie nietzschéenne. L’amour de la musique conduit le très jeune Timothée vers un piano. Ce sera son vaisseau de croissance. Il n’a que sept ans, la flemme au bout des doigts pour s’acharner sur l‘apprentissage du solfège, mais l’envie irrépressible déjà d’improviser. De suivre son instinct pour écrire son roman personnel. Avec l’amour comme bagage, il écrit sa première chanson en cinquième. Il la baptise « Elle » pour séduire celle dont il était éperdument amoureux. Et ça a marché : « Je me suis dit alors que cela me faisait du bien, c’est-à-dire que je sentais que j’avais réussi à exprimer quelque chose d’intérieur de façon authentique et brute. La chanson est une façon tellement forte de délivrer un message… ». Timothée n’oubliera donc pas la force émotionnelle des chansons au moment où il deviendra Tim Dup. Toucher le coeur des gens, ouvrir leur imaginaire pour être celui que l’on est, sans chercher à être quelqu’un d’autre. Tim Dup est lui-même, ne joue pas, et dit avec la candeur infernale de ses 22 ans : « Je m’apprends et m’apprivoise lentement ». Il parle du réel sans jamais faire de la chanson réaliste. Endotique sans jamais être l’apôtre d’une vaine banalité. C’est toute la force de ce premier album dont on pourra dire sans hésiter qu’il parle avec beaucoup d’à propos de cette génération intranquille qui se cherche une raison d’être. Quatorze chansons pour être à l’heure de cette jeunesse douloureuse qui nargue sa condition humaine en souriant à la vie. +++
10 février 2018
Espace Culturel Buisson